Prise de position de SUISA concernant la révision partielle de l'ordonnance sur la radio et la télévision

Le 8 novembre 2023, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation concernant la révision de l'ordonnance sur la radio et la télévision (ORTV). SUISA salue vivement du fait que le Conseil fédéral rejette clairement l'initiative populaire « 200 francs, ça suffit ! ».

SUISA répond de la manière suivante à la consultation sur la révision partielle de l'ordonnance sur la radio et la télévision:

Monsieur le Conseiller fédéral,
Mesdames, Messieurs

En respectant le délai imparti, nous saisissons volontiers l'occasion de nous exprimer dans le cadre de la procédure de consultation concernant la révision de l'Ordonnance sur la radio et la télévision (ORTV).

SUISA salue vivement le fait que le Conseil fédéral rejette clairement l'initiative populaire « 200 francs, ça suffit ! ». Celle-ci aurait des effets extrêmement négatifs, également pour la création culturelle suisse. La redevance des ménages et des entreprises, dans sa forme actuelle, assure la cohésion des régions linguistiques de notre pays, justement parce que la SSR peut aussi financer des programmes culturels. Une acceptation de l’initiative entraînerait non seulement un appauvrissement de l'offre et des licenciements massifs, mais elle aurait encore pour conséquence très grave de réduire massivement la collaboration avec le secteur audiovisuel et culturel suisse indépendant. La valeur ajoutée générée par les entreprises du domaine de la culture (selon les statistiques 2021, environ 15.2 milliards par an) s'en trouverait sensiblement diminuée, directement ou indirectement.

En cas d'acceptation de l'initiative, les revenus issus des droits d'auteur reculeraient également fortement pour de nombreuses personnes. La SSR reçoit actuellement CHF 1.25 milliards de redevance par année et reverse des indemnités de droits d'auteur d'un montant de plus de CHF 50 millions aux cinq sociétés de gestion suisses, cela pour l'utilisation d'œuvres et de prestations des créateurs/trices culturel-le-s suisses. Pour SUISA et les ayants droit qu’elle représente, l’initiative occasionnerait un manque à gagner en droits d’auteur de CHF 14 millions. Après déduction des coûts de gestion, nous répartissons environ 90% des recettes de licence payées par la SSR à ces ayants droit, c’est-à-dire aux auteurs/trices et éditeurs/trices, suisses et étrangers/ères, des œuvres diffusées.

Dans son communiqué de presse au sujet de la consultation sur la révision partielle de l’ORTV, le Conseil fédéral a annoncé vouloir renforcer le domaine de la formation et de la culture à la SSR, en plus de celui de l’information. SUISA salue vivement cette volonté ; non seulement dans l'optique d'éventuelles modifications de la mission confiée à la SSR, mais aussi pour donner à la tâche de cultiver la culture le poids et l'importance nécessaires dans le cadre du mandat de service public donné à la SSR.

En tant que société de droits d'auteur, nous contribuons à la création culturelle et à la diversité dans notre pays. Nous sommes préoccupés par la tendance de réduire progressivement les prestations de service public et donc de remettre en question, voire de restreindre, également les prestations et la rémunération des créateurs/trices culturel-le-s en Suisse.

La diminution progressive de la redevance présentée avec la consultation ne doit toutefois pas être mise en œuvre sans que la définition du service public médiatique ne soit aussi débattue. En effet, vouloir ordonner une baisse de la redevance et limiter ainsi les obligations de la SSR implique précisément des questions de fond sur la manière dont le mandat de la SSR doit être conçu à partir de 2029. L’art. 68a al. 1 lit. a LRTV (loi fédérale sur la radio et la télévision) dispose également que sont déterminantes pour fixer le montant de la redevance, notamment, les ressources nécessaires pour financer les programmes et les autres services journalistiques de la SSR nécessaires à l’exécution du mandat en matière de programmes.

Ces questions doivent donc impérativement être liées et nous prenons position en ce sens :

Pour pouvoir répondre de manière substantielle aux questions posées dans le cadre de la consultation, il ne faut pas se contenter de discuter d'une réduction de la redevance pour les particuliers et de sa suppression pour certaines entreprises : Il convient de définir au préalable la forme exacte que prendra le mandat de la SSR dans le domaine de la culture et la manière dont elle devra le remplir.

Une mention explicite par le Conseil fédéral des domaines de la SSR qui subiraient le cas échéant des coupes, et de ceux qu'il souhaite au contraire renforcer avec sa proposition, doit être faite et expliquée avec le message relatif à l'initiative. Il ne serait pas pertinent, ni suffisamment démocratique, de le faire exclusivement dans le cadre de la concession.

Il est essentiel pour l'avenir de la culture en Suisse que la volonté explicite du Conseil fédéral de renforcer ce domaine, annoncée lors de la procédure de consultation, soit désormais concrétisée. Pour ce faire, il doit prendre en compte suffisamment tôt les exigences formulées à l’occasion de la présente consultation. La volonté du Conseil fédéral de renforcer la culture doit être énoncée plus clairement et rendue publique avant une éventuelle baisse des redevances. Le Conseil fédéral doit expliquer précisément et formuler concrètement quelles prestations fondamentales de la SSR il entend exiger à l'avenir dans le cadre de la concession. Il est particulièrement important pour les acteurs/trices culturel-le-s d'expliquer quelle place sera accordée à la culture – et avec elle à la musique – dans les futurs programmes de la SSR.

Avec le présent projet en consultation, le Conseil fédéral cherche activement un moyen de répondre au malaise créé par les initiants au sein de la population et de l'économie, concernant le montant de la redevance, et d'ouvrir la voie à un éventuel compromis. Le Conseil fédéral également devrait contribuer à objectiver la discussion, à relativiser le montant de la redevance par rapport à la question de la contrepartie. Quels contenus une entreprise de médias financée par des fonds publics doit-elle produire et rendre accessibles à la population ?

La situation actuelle est donc une opportunité de présenter le service public, et surtout la mission de diffuser la création culturelle, de manière plus claire et plus compréhensible pour le grand public. Le Conseil fédéral a la compétence de fixer le montant de la redevance. S'il veut exercer ce droit de manière responsable et durable, il devrait expliquer, avant le processus de renouvellement de la concession, ce que les contribuables obtiendront si le domaine culturel est renforcé dans l'offre de la SSR.

Nous vous remercions d’avance de bien vouloir tenir compte de nos réflexions et de nos propositions dans la suite du processus décisionnel.

Avec nos meilleures salutations

SUISA

Xavier Dayer
Président du Conseil

Andreas Wegelin
CEO

Vous trouverez ici le PDF de la prise de position à la consultation.